Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J'ai 31 ans et je viens de Liebsdorf, un petit village d’Alsace. Je suis passionné par la musique et la photographie. Depuis août 2018, je suis en reconversion professionnelle pour faire de la photographie mon métier. Mon projet sera basé sur mon travail personnel, l'accompagnement et la transmission des connaissances ainsi que la photographie artisanale.
Quand et pourquoi avez-vous commencé à photographier ? Et avec quel appareil ?
J'ai souvent eu l'occasion d'avoir un appareil photo entre les mains, car mon père était correspondant pour le quotidien "l'Alsace". Mon oncle m'a offert mon premier appareil photo dans les années 90, un compact argentique Canon "Prima Zoom Mini". Je ne faisais alors que des "photos souvenir". Ce n'est qu'en 2014 que j'ai commencé à m'intéresser plus sérieusement à la photographie et que j'ai commencé à me former.
Pourquoi avoir choisi la photographie pour vous exprimer ?
Je n'ai pas vraiment choisi, la photographie s'est imposée. J'ai découvert en 2014 des photos de paysages qui m'ont subjugué et transporté. Même si je ne sais plus qui était l'auteur des images, je savais juste que j'avais mis le doigt sur quelque chose. C'est à partir de là que j'ai commencé à faire des recherches, à me questionner et à m'investir dans ce domaine pour arriver à produire quelque chose qui correspondait à ma vision. J'ai envisagé un temps de me mettre à peindre pour avoir plus de liberté et pouvoir créer mes propres compositions et mes propres couleurs. J'ai pour l'instant décidé de me concentrer sur une seule discipline avant d'en découvrir d'autres.
Comment définiriez-vous votre pratique ?
Je vis mon travail photographique comme une quête. Le but de cette quête, même s'il pouvait paraître clair et maîtrisé au début, m'échappe de plus en plus. Cela ne m'inquiète pas vraiment, puisque qu'au final c'est le cheminement qui importe. Je pense que l'essence de mon travail réside dans une forme de communication avec le monde.
Mon travail est d'abord introspectif. Nous mettons beaucoup de nous-mêmes dans nos photos. Mes photos m'en ont donc appris plus sur moi, et j'ai mis plus de moi dans mes photos. La photographie m'a rendu plus ouvert, plus calme, plus exigent et plus confiant. Elle m'a permis de mieux comprendre le monde qui m'entoure, de le respecter et surtout de communiquer avec lui.
En effet, j'ai trouvé dans la photographie le langage avec lequel je m'exprime le mieux : l'image. L'image est au cœur de mon travail. Pour moi, l'image seule doit suffire à exprimer quelque chose. Quand je montre mes images, je tente de communiquer. La première lecture de l'image, la plus importante, se fait dans les premières fractions de seconde, avant toute analyse consciente. Le spectateur peut être touché, interpellé, intrigué, apaisé, fasciné par l'image. Si c'est le cas, c'est là que la communication primordiale a lieu, intuitive, inconsciente, insaisissable, sans a priori, une connexion directe, de cœur à cœur, d'esprit à esprit, d'âme à âme. Les lectures suivantes se font de manière plus consciente et réfléchie. Si elles permettent de valider la première lecture, alors la communication a pleinement eu lieu.
Qu'est-ce que vous apporte l'acte photographique ?
Outre la communication, je pense que la photographie m'apporte du sens. Mes photographies sont futiles car elles n'ont aucune utilité directe. Mais pourtant elles me sont indispensables. Si mon corps ne manque de rien, je crée des photographies pour nourrir mon esprit.
La photographie m'a déjà entraîné dans de nombreuses aventures, m'a fait faire beaucoup de rencontres qui m'ont mené vers d'autres aventures. Je pense que cela va continuer.
Mes moments préférés restent sur le terrain, devant un paysage qui me parle, quand arrive un sujet ou une lumière qui me fait dire : "waouh !". Je me sens très bien. Je déclenche. Ces moments fugaces justifient toutes les questions, tous les doutes, tout l'investissement, tous les échecs nécessaires pour arriver à ces instants. J'essaie de les immortaliser en photo pour les revivre et les partager.
Avez-vous d’autres sources d’inspiration que l’art photographique ?
Premièrement, les autres arts visuels :
- La peinture est une discipline dont je me sens "proche". Vous le verrez pendant l'exposition. La composition, le choix des couleurs, le travail de la lumière, de la texture et de la profondeur sont des aspects communs entre ma photographie et la peinture.
- Même si je ne regarde que très peu de films, j'ai Également emprunté quelques techniques utilisées au cinéma.
Au-delà de ça, tout est source d'inspiration : la musique, les couleurs, des idées, des histoires, des rêves, des visions.
Quel regard portez-vous sur l’art en général et sur la photographie ?
La révolution numérique a permis de démocratiser la pratique de l'art et de la photographie. C'est réjouissant pour moi car j'ai pu avoir accès facilement à la photographie et à la connaissance qui l'entoure.
Le terme "photographie" regroupe un grand nombre de pratiques, et depuis la révolution numérique, un grand nombre de pratiquants. Photographie instantanée ou "souvenir", photographie de loisir, photographie documentaire, photojournalisme, photographie artisanale et commerciale, photographie d'art et photographie plasticienne...
L'augmentation du nombre de photographes et d'artistes, parfois auto-proclamés, a entraîné une sorte de cacophonie. Il y a autant de définitions de la photographie que de gens faisant des photos ! Quand on débute en photographie, on peut entendre tout et son contraire, on découvre qu'il y a des cases, on peut même être invité à choisir un camp, le bon... :)
Je pense qu'il n'existe pas de cases ni de frontières entre toutes ces disciplines. Chacun doit pouvoir choisir sereinement sa propre voie, l'assumer et l'expliquer. J'aimerais donc que l'information circule de manière plus objective, que le dialogue soit plus ouvert et plus serein entre les acteurs de la photographie. Il en va de l'image de l'avenir de la photographie.
Quel est l’avenir de la photographie, selon vous ?
Au niveau artistique, la photographie est en train d'être acceptée comme 8e art.
Concernant la photographie professionnelle, même si des métiers sont sinistrés comme le photojournalisme, le besoin reste là et je pense que le travail de qualité aura toujours un avenir, même s'il doit s'adapter à l'évolution du marché.
Les gens voient aujourd'hui les photos sur les écrans de téléphones et de tablettes, en se connectant sur Instagram et d'autres réseaux. Selon moi, ces pratiques prennent peu à peu la place de la télévision dans le quotidien. La demande est grande et continue de grandir. Un avenir passe donc par les nouvelles technologies et internet.
Tous les constats des deux dernières questions m'amènent à la conclusion suivante : l'avenir de la photographie passe par l'éducation, le dialogue et la formation. Il y a un grand travail à faire. Apprendre à lire et comprendre les images, être capable de juger de la pertinence d'un travail photo, apprendre à créer des images, être sensibilisé à la qualité plutôt qu'à la quantité, communiquer et dialoguer autour des images, développer sa culture photographique... Au temps de la surinformation et de la désinformation, comprendre l'image permet de mieux comprendre le monde et de faire des meilleurs choix.
Je salue le travail de l'association Mode ouverture qui œuvre en ce sens : sensibiliser, Éduquer, former, en promouvant plutôt qu'en dénigrant. Le tout dans une bonne ambiance et un esprit d'entraide.
Quel grand maître de la photographie admirez-vous le plus ?
Même si nos travaux sont différents, je vais citer Éric Bouvet car son travail m'inspire beaucoup. C'est un très grand photographe qui a su garder les pieds sur terre, un point commun avec beaucoup d'autres "grandes" et "grands" dont j'ai pu découvrir plus en détail le travail.
Un autre point intéressant est qu’Éric Bouvet place l'image au centre de son travail. Sa construction de l'image, les sujets et les instants qu'il choisit sont au service d'une image claire et porteuse de message, tout en ayant une valeur esthétique indéniable. Il reste Également impitoyable dans le choix des images. Une image qui ne dit rien visuellement, aussi fort soit l'événement représenté ou l'Émotion qui y est rattachée, est "mise à la poubelle".
Votre exposition s’intitule « De la réalité au rêve... ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ce titre correspond à une constante dans mon travail. Avec mon appareil, un outil censé à la base reproduire la réalité, j'essaie de créer des images qui nous entraînent dans un autre monde, qui nous Évoquent autre chose que la réalité ou qui la présentent selon ma vision.
Il correspond Également bien au cheminement dans l'exposition. La première série, "Douceur" représente des paysages naturels plutôt figuratifs. La deuxième série, "L'avant-garde", décrit un monde plus Énigmatique et minimaliste, moins réel. Dans la dernière série enfin, "Un nouveau monde", l'univers est définitivement onirique, où quasiment tout est à l'envers !