Zoom sur... Célia FREYBURGER (octobre 2017)

Pour sa toute première exposition individuelle, Célia Freyburger présente un travail remarquable, à la scénographie soignée. Adepte de la photographie argentique, elle nous propose de découvrir sa vision d'une "fausse reconnaissance"...

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Il m’est arrivé de me croire née à la mauvaise époque. Au vu de mes intérêts esthétiques et de mon mode de vie que j’aime simple et chaleureux. A bien y réfléchir, si j’avais vécu dans un monde où ce qui fait de moi une personne à part, aurait été usuel, je ne serais pas la même aujourd’hui.

Quand et pourquoi avez-vous commencé à photographier ? Avec quel appareil ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours pris des photos, de tout et de rien. Surtout de rien… Quand enfant, on a un argentique jetable entre les mains, ça donne souvent lieu à des images monochromes de doigt devant l'objectif. Je prenais tout en photo, chaque moment et c’est de famille, je crois. Nous avons beaucoup d’albums photo et de pochettes, remplies de photos d’enfance. Et petit à petit, le temps faisant son chemin, j’ai eu un compact, puis un petit bridge.La photographie devenant de plus en plus une passion dévorante, je me suis offert un reflex numérique lors de mon entrée à l’école d’art, en 2011.

Quel est votre cursus de formation dans la photographie ?

J’ai suivi 5 années d’études à la HEAR (Haute Ecole de Arts du Rhin), à Mulhouse, où j’ai appris les bases de la photographie, manipuler un reflex numérique, composer, ajuster les éclairages, etc. Et puis, dès la fin de ma première année, j’ai fait le choix de la curiosité, de l’envie de comprendre comment c’était avant. Et j’ai pris goût à la magie, ce depuis plus de 6 ans maintenant.

Qu'est-ce que vous apporte l'acte photographique ?

Tout le processus de la création d’une image, de la prise de vue au tirage final, me permet de contempler le temps qui passe. Je reste fascinée par le temps, comment il modifie notre comportement, l’importance qu’il a dans notre société actuelle, tout ce qu’il détruit et crée. La photographie est pour moi une manière d’exorciser mes peurs, notamment celle qui relie mon travail d’aujourd’hui, à ma grand-mère atteinte par la maladie d’Alzheimer, pendant 20 ans.

Comment définiriez-vous votre pratique et quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Ma pratique, je la définirais d'instinctif. Je me laisse guider par des concours de circonstances qui m’ont déjà apporté leur lot d’émerveillement. La photographie argentique et celle dite “alternative”, demande beaucoup de patience, de rigueur et d’organisation. C’est parfois capricieux ! J'ai eu des hauts et des bas dans mon rapport avec la photographie. Je ne manque jamais de me rappeler qu'une rencontre, dans un coin de labo argentique à fait renaître ma passion pour cette pratique et bien d’autres par la suite. Et puis, mon amour naissant pour l'écriture, a apporté une valeur ajoutée à mes images. Frustrée par le manque d'histoires qu'elles avaient à me raconter, seuls les mots ont su activer mon imaginaire et de ce fait, l'émotion dans mon propre regard.

Quel matériel utilisez-vous ?

J’utilise des appareils mécaniques, notamment un Yashica mat 124 G, un bi-objectifs qui shoot en 6x6 cm. Et, pour plus de finesse dans l’image, j’aime utiliser ma chambre et développer du 4x5 Inch soit un négatif de 10,1 x 12,7 cm. Un régal pour la douceur du bokeh. Toujours du film argentique et parfois des plaques de verre. Cela dépend de la technique que j’utilise.

 

Votre exposition s’intitule « fausse reconnaissance ». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

La reconnaissance, c’est ce phénomène d’impression similaire que nous connaissons tous, lorsqu’on se remémore un instant passé, qu’il resurgit d’un coup en mémoire. Des images de lieux, d'odeurs flottantes dans l'air. Un monde onirique, toujours incertain. Le souvenir est jonché de faux, qui pourtant paraissent, pour le porteur de certitude, tout à fait vrai et juste. Freud parle alors de souvenirs-écrans. Parfois, une expérience vécue se révèle avoir été falsifiée au cours d’un souvenir : “Elle est fausse dans la mesure où elle transporte une situation à un endroit où elle ne s’est pas produite, fusionne des personnes les unes avec les autres ou les intervertit, ou, d’une façon générale, se révèle avoir été composée à partir de deux expériences vécues séparées”. À mi-chemin entre le réel et l'imaginaire. Laissez-vous porter par les histoires. L'exposition se vit, se regarde, interroge, dans le but de transporter chacun dans un bout d'espace et de temps qu'il lui est propre. Sans connaître la limite du rêve et de la réalité.

Quel regard portez-vous sur la photographie en général ? 

 J’ai beaucoup idolâtré la photographie. J’ai été grande consommatrice d’image. Aujourd’hui, je ressens le besoin de profiter de ce qui m’entoure, en mettant mes autres sens en éveil. L’acte photographique prend de plus en plus d’ampleur, il devient objet de consommation courant. Nous vivons dans un monde d’image. Mais à force de les voir, de les manipuler, de les consommer boulimiquement, on ne prend plus le temps d’interagir avec l’instant. Aujourd’hui, je voudrais que les artistes photographes me surprennent. M'emmènent là où on n’attend pas l’image photographique.

Quel grand maître de la photographie admirez-vous le plus ? 

J’ai rencontré des photographes que j’admire aujourd’hui pour ce qu’ils m’ont apportés, leur qualité d’enseignement ou simplement leur savoir-faire. Le terme “grand maître” est relatif en cela. Il y a une photographe que j’admire car je me suis retrouvée en elle, en ses écrits et ses photographies fantomatique, ses images de souvenirs torturés et sa passion. Il s’agit d’Alix Cléo Roubaud. Son “journal (1979-1983)”, à beaucoup influencé ma façon d’écrire. Une écriture automatique, dans l’ordre des jours, sans revenir en arrière, sans corriger, sans effacer, pour elle-même.

Avez-vous d’autres sources d’inspiration que l’art photographique ? 

L’art cinématographique est une évidence je crois. Lorsque je visionne un film, il m’arrive souvent de m’imaginer une photographie, tirée de l’ambiance. Tout comme ma photographie inclus le hors-champ, afin de projeter le spectateur dans une autre scène que celle figurée. Il y a l’écriture aussi, qui fait partie de ma pratique ; la poésie et l’écriture automatique des surréalistes. Toute la période surréaliste m’a beaucoup inspirée. Je me suis également essayée à l’art sonore, que j’aimerais beaucoup intégrer dans mes installations, car les sons, les voix, ont une grande place dans ma vision du souvenir.

Quels conseils donneriez-vous à un photographe débutant ?

Il faut être patient quand on veut pratiquer. Réfléchir au sujet que l’on photographie et ce que va devenir l’image pour nous. Penser à notre relation avec l’image. Pourquoi on l’a fait naître, et comment valoriser ? Des choix se feront automatiquement. Il faut nouer des liens avec la photographie, car au moment du tirage, que ce soit argentique ou numérique, on peut rencontrer tellement d’obstacles, qu’il vaut mieux tenir à son image.

Avez-vous un site internet, une page Facebook, ou autre ? 

Pour le moment, je n’ai pas de site internet. Mais vous pouvez me suivre via ma page facebook : https://www.facebook.com/analogie.etc/  

Et vous pouvez retrouver des images en plus sur mon compte instagram : https://www.instagram.com/analogie.etc/